Sunday, August 27, 2006

Les amitiés

Eh oui Mazen, ca commence à chiffrer, “le temps passe et ne revient plus” comme disait notre ami commun que tu m’as fait découvrir il y a quelques années. Toi les dents, Makram le dos et moi les cheveux, serait-ce le début de la chute, la chute en plein ascension, la chute quand la maturité vient enfin, quand on commence seulement élaborer notre façon de voir les choses, pas la plus juste sans doute mais la plus sincère certainement. C’est étrange mais parfois en t’écoutant argumenter j’ai une impression troublante de m’entendre moi-même. C’est peut-être ces longues discussions qu’on a toujours eues, ces projets qu’on n’a jamais concrétisés, cet humour empreint d’un réalisme triste que l’on ne partage pas toujours avec les autres et puis je l’avoue notre orgueil, notre fierté dans la transgression, notre refus de nous laisser aller aux émotions primaires, à la facilité des bons sentiments, notre refus des étiquettes sociales et culturelles admises par le plus grand nombre. Tu as aimé avec moi Godard, tu as été ému jusqu’aux larmes avec moi en regardant « le marchant des quatre saisons » de Fassbinder entrain de se prendre une cuite pour effacer son mal être, j’ai aimé avec toi Tarkovsky et Kafka, ce maître de la littérature qui nous est si proche, qui a dit à notre place il y a plus d’un siècle ce que nous ressentions et que nous ne pouvions pas exprimer faute d’effort et de génie. On a eu nos plus grands fous rires en regardant « Le fantôme de la liberté », oubliant la profondeur du film se focalisant sur les détails qui font la force de Bunuel, son Christ sympathique, ses prêtres joyeux jouant aux cartes, son évêque jardinier.
J’ai découvert la bande Dessinée, j’ai renoncé à mes préjugés, j’ai découvert Laure et les insultes tendres que je n’accepte de personnes d’autres, j’ai parcouru avec toi l’autre vie celles de ses morts qui ont laissé quelque chose derrière eux, un livre, un tableau, un film, une musique, une émotion vraie celle-ci, une émotion pure non altérée par le formatage des grosses productions qui offrent aux gens ce qu’ils veulent entendre, ce qu’ils veulent voir, qui créent une réalité virtuelle sans fondements, lorsque la vie est toute autre dans ces joies et son ennui.
On s’est posé des questions, jamais trouvé de réponses, pas encore en tout cas, il nous reste du temps, ce temps qui nous permettra de tuer la paresse intellectuelle, sans doute notre plus grand défaut.
7 mars, 10 mars, 15 mars, 3 amis une même année 1975, l’année de l’abandon, l’année que l’on exècre mais qui nous subjugue, l’année des transformations, l’année de la révolution rétrograde, l’année du passage à l’acte, l’année où ma mère a eu peur pour la première fois et toujours cette même question, comment tout bascule? Par notre naissance on a été l’otage d’un conflit, on ne l’a pas adopté par fatalité ni pour une cause, ce mot qui me donne la chair de poule. On l’a adopté parce qu’il nous rappelle notre enfance, nos jeux, la souffrance de nos parents. J’ai voulu en savoir plus, toi aussi, en amoureux du passé que nous sommes, le passé pour nous est la seule réalité, il est ce je suis maintenant, il m’a forgé, il m’a donné une identité, il a créé les personnes que j’aime et ceux qui me répugnent. On a lu Samir Kassir, on a été passionné par son livre sur le conflit, on en a discuté et il est mort quelques mois plus tard. C’est là je crois qu’on a commencé à comprendre, sa mort résumait en une explosion tout le paradoxe du Liban, Le Liban du meurtre et le Liban de l’intelligence, le Liban de Sabra et Chatillah et le Liban de la Nahda, le Liban mort et le Liban vivant.
Aujourd’hui on a 31 ans on a compris mais on n’a encore rien fait, on a critiqué mais on n’a pas agi, penses-tu qu’il est encore temps ?

10 Comments:

Blogger Unknown said...

This comment has been removed by a blog administrator.

5:57 AM  
Blogger mazen (old profile) said...

marc,

n'essaie pas de m'amadouer pour me faire oublier que ta nièce a colorié une de mes bandes dessinées introuvables au liban.

je maudis le jour où nous sommes devenus amis, et plus encore le jour où on a décidé de partager nos passions communes. quand je vois le résultat - et la manière sournoise avec laquelle tu essaies de te rattrapper - je me dis que j'aurai mieux fait de continuer à penser que dead poets society est le plus beau film de tous les temps.

de la part d'un "ami" qui te revaudra ça un jour.
je vais crever tes pneus sale enflure.

8:05 PM  
Blogger mazen (old profile) said...

marc,

ça m'a toujours semblé hallucinant que tu aimes kafka à cause de moi alors que c'est toi qui m'a convaincu un jour qu'on pouvait lire un livre sans images sans se faire mal.

pareil pour tarkovski. je me rappellerai toute ma vie quand tu m'a pris voir le fantome de la liberté à la salle montaigne. j'avais vu forest gump la semaine d'avant je pense.

on partage tellement de parts de cerveau en commun.

un alter-egoïste

8:20 PM  
Blogger mazen (old profile) said...

marc,

ton texte est un tissus de mensonges destiné à faire croire au monde qu'on s'aime toi et moi. personne n'est dupe.

allez avoue charogne, tu l'as écris pour que je te rendes tes 70 dollars.

un "ami" qui est parti sans laisser d'adresse.

8:20 PM  
Blogger mazen (old profile) said...

marc,

tu te rappelles ce texte du journal de kafka sur l'amitié que j'ai inclus dans une page de mon journal 1999?

je me demandais comment ce con a fait pour réduire tout ça dans un texte si petit. il est géant ce petit texte.

je me demandes comment tu as réussi ton coup.

8:22 PM  
Blogger mazen (old profile) said...

je me demandes comment je peux répondre à ton texte.

8:23 PM  
Blogger mazen (old profile) said...

marc ton texte est sublime et je me suis vengé en pourrissant la section commentaire.
et ne lache pas l'idée de crever les pneus de ta renault pour que tu apprennes à ta nièce à bien colorier "à l'intérieur des lignes" la prochaine fois.

8:25 PM  
Blogger laure ghorayeb said...

mazen disait toujours que tu as des idées géniales et j"ajoute mais tu es un paresseux et tu n'as jamais donner un coup de terre au mur qui te sépares de la réalisation de ton être,ne crois que tu as toute la vie pour le faire,si tu perdures dans la nonchalance l'intelligence,l'intelligence active et créatrice peut foutre le camp,tu ne pourras jamais la rattraper,alors fonce et ne regarde jamais derrière sauf pour apprendre des expériences des autres.
courage à vous tous:
marc,mazen et tous ceux qui sont nés en mars ou en août 1975
laure

10:46 PM  
Anonymous Anonymous said...

tres beau texte...
plein d'emotions....

8:14 AM  
Anonymous Anonymous said...

C'est quoi cette histoire de coloriage ? C'est Anna la coupable ?

7:16 PM  

Post a Comment

<< Home