Sunday, November 11, 2007

Le retour des "kabadays"

Ecrire à nouveau après plusieurs mois d’absence, mais dans quel but? Exprimer le désarroi qui m’accable comme la plupart des Libanais, face au spectacle ridicule d’une poignée de dirigeants véreux, nostalgiques d’un passé marqué par la violence, les guerres et les petites victoires de quartier.
En 1975 on les appelait les « kabadays », ces médiocres chefs de tribus, je les revois encore se balader dans les rues avec cet air de suffisance que confère l’autorité aux faibles d’esprit. Certains d’entre eux sont devenus nos leaders adorés par un groupe comme des Dieux, détestés par d’autres comme la pire vermine. Ils me dégoûtent tous, je pense au sang qu’ils ont versé, aux pleurs qu’ils ont provoqués, et en les voyant tous les jours à la télé, je me dis parfois qu’ils pourraient bien recommencer…allez encore un petit tour de roulette, juste pour le plaisir, pour ressentir la montée d’adrénaline du joueur, conscient de l’absurde cycle qui le mène sur les chemins tortueux de la déchéance humaine, mais victimes de ses pulsions. Le joueur est solitaire, il n’entraîne dans son sillage que sa triste famille, le « kabaday » lui, jouit de la souffrance des autres, de leur soumission. C’est en cela qu’il est le parfait personnage Sadien, il inverse les valeurs morales et le mal devient loi, la jouissance que procure la barbarie est son seul objectif…tout le reste n’est que palabre et rhétorique. 33 ans qu’ils nous bassinent avec l’esprit patriotique, accusant les autres de traîtrise, sanctifiant à tout va des personnages que nous n’avons connu pour la plupart d’entre nous que placardés sur les murs salis de nos villes.
Souvent en passant devant le « Holiday in », j’ai cette étrange impression que rien n’a changé, je suis mon père, j’ai 32 ans et je vois cet hôtel brûler, des flammes qui ne veulent pas s’éteindre. Fallait-il faire une guerre pour conquérir un hôtel, il suffisait peut-être de l’acheter… aujourd’hui encore, on en est là ! La guerre des hôtels et des petits pouvoirs. Quelle saloperie !

Sunday, October 01, 2006

Les photos de mon enfance

C’est en feuilletant un livre d’images que j’ai pensé à mon enfance, des images particulières, des personnages que n’ai pas connus, des lieux dont je n’ai pu déterminer ni le temps ni l’espace, des situations que je ne peux comprendre, fascinante de cette violence qui à la fois suscite le dégoût et le voyeurisme, la désapprobation et l’intérêt, autant de sensations contradictoires qu’on finit par se poser la question essentielle, comment réagir face au tourbillon de barbarie qui a happé le Liban, ce bateau ivre qui jusque-là se déplaçait tranquillement aux grés des vents.
Pris par cet album, je n’ai pu m’en défaire qu’après l’avoir parcouru de bout en bout, j’essayai de scruter chaque photo, cherchant bizarrement à imaginer la vie d’avant la violence, plus intrigué par une publicité de l’époque, une affiche quelconque, le nom d’une rue, des voitures de l’époque, que par la désolation et la mort impersonnelles et froides, comme cette photo anodine de « Blow Up » qui après agrandissement, dévoile un meurtre anonyme que le photographe lui-même ne soupçonnait pas.
Enfant, né avec la guerre, l’imagerie militaire était presque naturelle pour moi, elle faisait partie intégrante de ma vie, avec les amis au lycée ou ailleurs, le bruit plus ou moins lointain des déflagrations était la musique de fond qui accompagna nos premières années. Nous n’éprouvions pas de peur particulière sinon celle que l’on devinait sur le visage fatigué de nos mères, accourues pour nous ramener à la maison les jours de grandes batailles. Nous étions attiré par l’aura de ces jeunes gens qui sous prétexte de défendre un quartier contre l’autre, s’amusaient à chatouiller la gâchette de la kalachnikov comme une transgression presque sexuelle de l’interdit. Nous défendre contre quoi ? Me suis-je seulement poser la question ? Il y avait un ennemi, on ne pouvait le voir puisqu’il campait de l’autre côté de la barrière dans la rue jouxtant la nôtre, il s’apparentait dans notre imaginaire à un monstre, faisant étrangement écho aux méchants de ces contes qui berçaient nos nuits avant le sommeil. Ce n’est que bien plus tard que je pris conscience que ce monstre me ressemblait étrangement, à la seule différence qu’il vivait dans cet endroit qui m’était interdit parce que trop dangereux.
Chaque photo rassemblait un lot de malheurs individuels, anonymes, capté instantanément, seul vestige d’une vie, d’un amour à jamais révolu, d’un destin gâché à cause du romantisme sanguinaires d’une petite bande d’idéaliste puritains. Certaines d’entre elles représentent de jeunes combattants posant avec fierté devant l’objectif de la caméra, marquant d’une main le V de la victoire, tenant de l’autre la mitraillette, qui rythmait les journées Beyrouthines. Mal rasés, mal habillés, certains avec un bandeau sur le front, d’autre arborant impudemment une croix, ces combattants paresseux semblaient se plaire au jeu du modèle, comme si la photo donnait une consistance tragique à leur vie dénuée de sens.
Au bas de chacune des photos, une petite légende, le nom d’un politicien, d’une bataille, le lieu d’un attentat mais surtout une date. C’est cette dernière information qui m’interpellait plus que toutes les autres. J’essayais sans vraiment réussir d’y adjoindre un moment de ma propre enfance. Septembre 1982, j’avais 7 ans, je dormais probablement lorsque les premiers miliciens se faufilaient dans le camp de Sabra et Chatillah et attaquaient impunément femmes, enfants et vieillards impotents, je me réveillais vraisemblablement lorsque l’odeur du sang chaud se dégageait déjà des petites ruelles misérables qui abritaient ces réfugiés qu’on diabolisait et qui m’apparaissent si inoffensifs aujourd’hui, je jouais enfin lorsque les premières nouvelles du massacre nous parvenaient par les médias étrangers. Les années passent, il ne reste que ces clichés pour témoigner de l’horreur, les tortionnaires tout autant que les victimes se sont disséminés dans notre inconscient collectif, pour ressurgir par moment au détour d’une conversation. Ils ne sont ni Palestiniens, ni Libanais, ils ne sont plus, car ce qui définit un être humain c’est uniquement sa vie, la mort étant l’anéantissement finale qui renvoie tout le monde à sa condition d’être périssable, personnage éternel d’une photo par définition immuable. La photo d’Antonioni captait un meurtre, les photos sont peut-être l’autre forme de la mort, ce qu’elle laisse derrière elle, le souvenir d’un instant heureux ou tragique, même pas le temps d’un souffle.

Saturday, September 23, 2006

La nausée

Drôle de pays, drôle de coutumes, des masses se rassemblent autour d’un harangueur, suspendues à ses lèvres, acceptant sans questionnement ni doutes son discours, sa vision du monde, comme s’il détenait une vérité ignorée de tous, comme s’il était capable de penser pour des milliers de personnes, responsable de leur vie, de leur destin, de leur bonheur.
Je ne sais pourquoi, j’ai toujours eu la méfiance des foules, des slogans déclamés en chœur, la foule compact où seul le nombre compte, la foule qui réagit comme une seule personne, où l’individu n’est rien sans ceux qui l’entourent, juste une unité de l’ensemble, juste un écho de la pensée d’un leader charismatique qui sera suivi quoiqu’il dise, qui sera acclamé quoiqu’il fasse.
Faute de véritable démocratie, les rassemblements de ce genre se suivent au Liban, 14 février, 8 mars, 14 mars, 22 septembre, nos hommes politiques cherchent une légitimité dans la rue, une légitimité contre quelque chose, jamais pour construire, toujours pour s’affirmer face aux autres, ces adversaires qui partagent la même terre, le même destin, les mêmes guerres mais qu’on ne tolère pas, qu’on accuse de traîtrise et de corruption.
Pas de dialogue, pas de débats, pas de projets, des manifestations encore et toujours, une logique de guerre, il faut étaler sa force dans ces référendums « live », lever ces drapeaux tantôt rouges, tantôt blancs, tantôt jaunes, tantôt oranges. Jamais des couleurs n’auront pris autant d’importance dans la vie politique d’un pays, jamais le marketing idéologique n’a pris ces proportions, afficher l’image choc, lancer le slogan percutant pour exciter cette fibre partisane enfouie quelque part en chacun de nous, ces phrases qui donnent la chair de poule, ces tirades qui enivrent plus par l’intelligence de leurs tournures, que par les idées vides de sens qu’elles véhiculent.
Si au moins il n’y avait pas de l’hypocrisie ! On nous casse les oreilles avec l’unité nationale, le patriotisme, le nationalisme, la solidarité, pour qu’ensuite chaque faction se retranche dans sa région, avec son peuple, sa communauté, ses rites, ses dirigeants féodaux, sa politique propre. Un jour la banlieue sud, l’autre Harissa , quand finirons-nous avec ces voitures bruyantes, qui parcourent les rues, ne sachant où aller, dans lesquelles s’entassent des dizaines de personnes avec leurs emblèmes, leurs photos, leurs idéologies extrémistes… j’ai parfois la nausée en les voyant défiler devant moi, ce sentiment absurde presque nihiliste que rien n’a de sens, malgré leur différence et la haine des uns envers les autres, je n’arrive plus à reconnaître le camp auquel ils appartiennent, les motivations qui les poussent à défendre d’un même élan une pensée commune au groupe, sinon totalement rétrograde du moins inapplicable.
J’ai parfois la nausée, je n’y peux rien, c’est physique…

Sunday, September 17, 2006

L'oubli (à lebnaniyeh par coïncidence)

Il me semble effectivement que rien n'arrive par coïncidence dans la vie, sauf la vie elle même (la naissance presque accidentelle), tout est question de choix n'en déplaise aux fatalistes.
Très émouvant le texte que tu as déposé dans mon blog, je pense totalement comme toi, les situations que tu as décrites sont aussi gravées quelque part dans ma mémoire, elles reviennent par moments m'interpeller, quand et pourquoi? Je ne sais pas. Malheuresement l'enfant de 1 jour sera oublié quoi qu'on dise, il sera l’histoire triste et sinistre d’un jour de la guerre, un exemple de la barbarie humaine, rien de plus. Pour lui il n'y a eu ni victoire ni défaite, juste un deuxième choc après la chute de l'accouchement, pour lui il n'y a eu ni cause ni résistance, juste un petit souffle rapide venu du ciel pour le prendre de la vie vers la mort, pour l'ensevelir à jamais dans cette terre que tu as choisi par coïncidence, qui a brûlé un dimanche matin pendant que je dormais tranquillement dans mon lit. Comment ne pas culpabiliser Pourtant j’oubli.
Je me rappelle encore il y a plus de 15 ans, le jour de la veillée de noël, une petite fille mourrait accidentellement, une balle perdue (pas pour elle), ils avaient passé l'information rapidement au journal de 20 heures, comme un vulgaire fait divers. Qui se souvient d'elle? Que sait-on de ses jeux? Quelle aurait été sa vie? Je ne sais pas pourquoi ce sont ces petites histoires individuelles qui me touchent le plus dans le cycle de la violence qui s'est abattu sur nous. Peut-être, parce que mon seul moyen d'appréhender le monde est égocentrique, je sens pour cette fille, pas pour une faction contre une autre, pas pour une armée contre une autre, pas pour une idéologie contre une autre, je sens son instinct de survie, son effroi, le sang qui coule comme une larme discrète et silencieuse pour rejoindre le flot des disparus anonymes, je sens son apaisement du dernier instant lorsque tout s’arrête. Mais je me dis que je la rejoindrai un jour dans la solitude de la mort et qu’on m'oubliera aussi, justice sera faite, l’oubli est ma seule consolation.

Thursday, September 14, 2006

Les morts

13 avril 1975, date officielle de la guerre du Liban, le pays sombre dans la violence et le chaos, les amis ne se reconnaissent plus, au nom d’une cause, je ne sais plus très bien laquelle. Le décompte macabre commence dès les premiers jours, très vite le nombre des victimes se chiffre en milliers de personnes, les morts anonymes, ceux qui ne comprenaient pas, pris au dépourvus entre 2 feus, en allant au travail, au pas de leur porte, dans leur bain, ceux qu’on appellera plus tard, martyrs de la guerre. Ceux-là, on les oublia, parti pour rien, au hasard des tirs, à cause de leurs idées de leurs croyances, de leur insouciance.
Mais il est des morts qu’on n’efface pas des mémoires, qui continuent de nous hanter chaque année comme si le temps s’était arrêté avec leur disparition, mythe chrétien de la résurrection ou nostalgie malsaine, comment qualifier un phénomène qui nous offre le spectacle sinistre de ces photos jaunis par les années, placardés sur les murs des petites rues du pays. Chacun y va de son idole, celui qui aurait pu sauver la nation de la déchéance, le héros de la guerre, l’icône des jeunes, l’irremplaçable, le garant des libertés. On les nomme dans les discours aux accents poétiques, on se fait leurs portes paroles, on revendique leurs descendances, on défend leurs idées obsolètes, ils sont notre conscience.
Dans l’une de ses meilleures œuvres, « La Chambre Verte », François Truffaut incarnait un personnage qui refusait la mort au point de ne plus vouloir vivre avec les vivants, il ornait sa maison des portraits de tous ceux de son entourage décédés, vouait un culte à ces centaines de disparus refusant de les effacé de sa mémoire. Mais la névrose de Truffaut relevait d’un questionnement existentiel, comment accepter ce que l’on ignore, cette expérience individuelle qui nous projette dans l’inconnu et qui laisse dans son sillage les orphelins d’un amour.
La culture de la mort au Liban est tout autre, elle est démagogie, elle est provocation, elle est refus de l’instant présent, elle est l’occasion de brandir des drapeaux symboles du morcellement du pays, elle est fanatisme. De ces cérémonies commémoratives annuelles, je ne dégage aucune émotion, juste de la haine, des propos bassement politiques, des intentions sournoises et des foules revanchardes.
Il faut honorer les morts pour ce qu’ils sont, des histoires, un lien avec le passé, le souvenir d’un jour heureux, un sourire, des souffrances. Ils n’existent plus, ils ne pensent plus, laissez-les reposer en paix, occupez-vous de ceux qui restent !

Sunday, September 10, 2006

Les Salauds (expression de Sartre)

Bientôt la commémoration des attentats du 11 septembre, blessure profonde des Etats-Unis du XXI ème siècle, plaie ouverte qui s’étend par ces conséquences sur le monde entier en particulier le moyen orient, et sous couvert de lutte contre l’intégrisme début d’une croisade sanglante sur l’Islam sous toutes ses formes modérées ou fanatiques.
Meilleurs présent n’aurait pu être offert par la nébuleuse Al quaïda aux Etats-Unis puritaines et mercantiles de Bush fils qui a réussit par une sorte de transcendance oedipienne, ce que le paternel tenta d’exécuter sans succès une décade plus tôt.
Effriter le Moyen Orient afin de créer un nouveau monde univoque à l’image de la démocratie florissante de l’Amérique du nord, un monde globalisé où seule une civilisation serait admise, une seule culture propagée celle de Hollywood, une seule langue parlée, l’anglais. Si ce n’est pas une forme masquée de l’eugénisme imaginé par quelques philosophes et rêvé par Hitler, ça y ressemble fortement non pas dans la manière mais plutôt dans l’idée, idée d’unicité, refus de la différence par crainte de la terreur, hégémonie économique, prééminence sadienne du plus fort sur la masse des faibles, les palestiniens dispersés et persécutés plus que jamais, l’Iraq en pleine guerre de religion, le Liban sous la menace d’Israël qui malgré sa supposée défaite sur le Hezbollah dicte sa loi sans le moindre scrupule et contrôle à travers l’ONU les frontières du Liban. Et l’on nous parle d’un monde pacifié, dépourvu des conflits qui déchirent les Hommes, libéré de la haine, de la peur et de la culture de la mort, lorsque tous les éléments générateurs de la violence sont omniprésents partout, en particulier au Moyen Orient, le fanatisme, la course au nucléaire, l’idéologie raciale et xénophobe. Chaque camp perçoit l’autre comme le mal incarné, le suppôt de Satan, le diffuseur de la souffrance et aucune concession ne semble convenir aux nostalgiques de l’inquisition d’une part et aux intégristes islamistes d’autres part. Entre ces deux parties adverses, les « laissés pour comptes », les esprits libres tentent de se frayer un chemin de traverse sans réussir fautes de pouvoir, de volonté ou de politique de substitution.
L’échec cuisant du communisme, des philosophies existentialistes ou humanistes donne libre court aux extrémismes de tous les bords sans qu’aucune autre alternative ne soit encore envisagée. Des mouvements alter mondialistes gauchisants se propagent un peu partout, mais ne convainquent pas puisqu’ils s’apparentent plus à de la provocation médiatiques (à l’instar de Bové et de Moore), qu’à une authentique révolution éthique, pacifiste, humaine et réalisable sur le terrain. Pourtant l’Histoire regorge d’exemples de ce type de bouleversements sociaux, Gandhi en Inde, la révolution des œillets au Portugal…
N’est-il pas possible de mettre en place cette forme de lutte contre la cruauté des pouvoirs en place ? En tous cas j’ai l’utopie d’y croire, sinon à quoi bon continuer ?

Tuesday, September 05, 2006

Le féodalisme moderne

Encore une fois le Liban à la merci de la communauté internationale, depuis plus d’un mois tout un peuple espère l’arrivée de quelques milliers de soldats pour reprendre le cours normal de la vie. En attendant, l’impression d’être dans une situation de ni guerre, ni paix sape le moral de la population, et si Israël a suspendu les hostilités au sud elle poursuit en toute impunité son blocus maritime et aérien et conserve ses positions dans plusieurs villages du territoire Libanais.
Drôle de victoire pour la drôle de guerre, un vainqueur sinistré, moribond ne sachant où donner de la tête pour remonter la pente économique, un vaincu qui pose les conditions de sa défaite. Mais peu importe puisque l’unité nationale prime sur tout le reste nous dit-on, mais de quelle unité est-il question ? Celle d’un peuple normalement solidaire face à l’ennemi, ou celle des politiciens du dialogue qui s’est tenu quelques temps avant le début de l’offensive Israélienne ? Dans notre démocratie consensuelle version moderne du féodalisme du XIX ème siècle, il me semble que le peuple n’a jamais eu voix au chapitre des décisions, il assiste et râle, subit et reconstruit, pour le reste il fait confiance aux vertus de la table de dialogue seule garante de la paix civile. Une vingtaine de politiciens représentant chacun une faction, un pouvoir, s’embrassant à tout va pour mieux se mordre, détiennent les cartes d’un jeu politique qui les dépasse entièrement. Aucune entente derrière les sourires hypocrites de ce jeu de dupe, juste une cordialité de façade. Les mêmes personnes au pouvoir (ou leurs progénitures), des situations semblables depuis un demi siècle, comment dans ces conditions les choses peuvent-elles encore évoluer ? Quand je pense que pendant tous ce temps l’unique aboutissement de la guerre du Liban a été le piètre accord de Taëf à moitié appliqué, un accord qui a subdivisé le pouvoir et bloqué toute action de l’exécutif, un accord auquel toute la classe politique se réfère mais qui sur le terrain est bafoué à tous les niveaux.
J’ai rêvé d’un pays où les débats d’idées seraient la force motrice du fonctionnement de l’état, où toutes les forces se rangeraient derrière un seul commandement légitime et républicain, où les responsables auraient des comptes à rendre au peuple, au lieu de cela une poignée de députés que le monde entier dénigre, se livrent sous le feu des caméras, à une mascarade grotesque au parlement. Mais malheureusement le ridicule ne tue pas.

Thursday, August 31, 2006

Le Liban de mon père

J’entends souvent autour de moi des personnes dépitées, blasées, dire “que nous a donné le Liban ? ». Cette réaction est compréhensible particulièrement en période de crise comme celle que nous vivons actuellement. Reconstruire encore avec cette impression décourageante de prendre à chaque fois un faux départ, telle a été la vie du Libanais pendant 40 ans. Toujours les malheurs,toujours les immeubles éventrés, toujours les mères qui pleurent, toujours l’exode et toujours la corruption dans les hautes et petites sphères de la société civile, une corruption qui mine le pays et accentue le sentiment de bâtir sa vie sur du sable mouvant.
« Que nous a donné le Liban ? », cette question me parait malgré tout inacceptable dans le sens qu’elle me déresponsabilise complètement, comme si je n’avais aucun pouvoir sur mon pays, à la manière d’un enfant qui observe et subit. « C’est le monde entier que je veux posséder » disait Sartre, c’est le Liban que nous devons posséder, avoir un impact sur la vie politique, essayer de bouleverser le cours tragique de l’Histoire. Difficile entreprise lorsque nos deux voisins bienveillants, en synergie parfaite, nous mettent perpétuellement les bâtons dans les roues. Difficile mais possible, possible comme cette évacuation Syrienne en 2005, possible comme l’unité humaine du peuple face aux bombes dévastatrices d’Israël, possible comme le travail exemplaire des secouristes luttant contre leur instinct de survie pour sauver ne serait-ce qu’une vie.
« Qu’ai-je donné au Liban ? », c’est ce que je dois me dire, mon pays m’a donné une culture à mi-chemin entre la science de l’occident et la poésie de l’orient, prémices de la globalisation, ouverture sur le monde dans tous les sens. Mon pays m’a donné des valeurs d’humanité, de convivialité et souvent de tolérance. J’ai vécu des guerres, des années scolaires dans les abris, des massacres au nom de la religion, j’ai vécu la pénurie et l’absence de ceux qui partent pour ne plus revenir. J’ai eu des pincements au cœur en les voyant disparaître pour émerger dans une nouvelle vie dont j’étais exclu. Et pourtant j’ai vécu, j’ai appris, j’ai aimé.
J’ai vu mon père lire sous les bombes, enseigner sous les bombes, refuser de fuir, refuser de céder à la pression. J’ai vu mon père reprendre à zéro lorsque les extrémistes des premières heures de la guerre se réfugiaient là-bas, ce là-bas sans racines, ce là-bas que je connais pour l’avoir lu, mais ce là-bas qui m’est étranger. Mes parents ont vécu difficilement il est vrai mais ils m’ont offert un véritable acte de résistance en m’inculquant ce qu’il y a de plus cher, l’éducation avec la liberté de penser qu’elle m’a octroyée. Et j’ai la conviction aujourd’hui d’avoir mené un combat juste, le combat des valeurs, le combat de la culture chrétienne, musulmane, laïque, le combat de la paix. C’est dans cette optique que je dois posséder le Liban en agissant individuellement dans le sens du progrès et de l’intelligence.

A mon père dont c’est l’anniversaire, j’espère que je suis à la hauteur de tes espérances.

Wednesday, August 30, 2006

Les soldats de la paix

La Turquie en force de paix. Cette Turquie descendante directe de l’empire ottoman, du sultan rouge, des jeunes turcs et de la république d’Atatürk fondée sur le sang et les souffrances de milliers de personnes en Arménie et dans toute la région… Quelle humiliation de voir ses soldats aux frontières du Liban, quelle humiliation pour le Liban longtemps sous la coupe de la grande porte ! Quelle humiliation pour la communauté arménienne représentée à l’assemblée nationale et au conseil des ministres et contributrice à la vie sociale et économique du pays !
Pour qui ne le saurait pas encore, le Liban a reconnu le génocide arménien, première tuerie planifiée du xx ème siècle, première idée d’une solution finale du problème arménien, Hitler lui-même s’y référa avant de lancer sa campagne contre les juifs, les tziganes et les communiste avec la célèbre et triste phrase : « qui se souvient encore aujourd’hui du génocide arménien ? ». Il n’avait vraisemblablement pas tort, puisque la communauté internationale et l’Europe, malgré la reconnaissance de la France du Génocide de 1915, cautionnent l’envoi de soldats turcs pour préserver notre sécurité face à Israël.
En tant que citoyen Libanais d’origine Arménienne, je vis cette ironie de l’Histoire, cette farce ridicule comme une provocation inadmissible, non pas par xénophobie contre le peuple turc ou par besoin de vengeance, mais du fait de l’injustice commise à l’égard de mes ancêtres qui depuis maintenant 95 ans n’ont pas obtenu réparation.
Le travail de deuil ne peut être entamé dit-on tant que le criminel n’accepte pas sa culpabilité. Dans ce cas précis le criminel était un état et le crime, un crime contre l’humanité. Certes il ne s’agit pas du gouvernement actuel de la Turquie, certes les morts ne sont plus là pour témoigner ou comparaître devant la justice, certes il faut oublier car tout s’oubli, mais faut-il pour autant nier les évidences historiques. L’Allemagne en son temps a reconnu l’holocauste, la réconciliation a eu lieu, la Turquie reste jusqu’à preuve du contraire un état négationniste complice indirect des massacres perpétrés lors de la première guerre mondiale. Dans ces conditions aucune réconciliation n’est envisageable et la présence de soldats turcs sur le territoire Libanais est révoltante. Imaginez un instant des soldats Israéliens assurant dans le futur la sécurité des palestiniens sans avoir admis les souffrances qu’ils leur ont infligées pendant un demi siècle et sans la moindre compensation, cela relèverait de l’absurde. Eh bien c’est cette configuration que sont entrain de subir les Libanais de communauté arménienne, leur mémoire est bafouée, leur passé est jeté aux oubliettes.
Aucun citoyen du Liban ne peut accepter qu’une partie de son peuple soit ainsi humiliée, encore moins le gouvernement qui devrait prendre une décision juste, c'est-à-dire le refus catégorique de recevoir ces quelques militaires turcs, qui feraient mieux sans doute de s’occuper du respect des droits de l’homme dans leur propre pays.

Sunday, August 27, 2006

Les amitiés

Eh oui Mazen, ca commence à chiffrer, “le temps passe et ne revient plus” comme disait notre ami commun que tu m’as fait découvrir il y a quelques années. Toi les dents, Makram le dos et moi les cheveux, serait-ce le début de la chute, la chute en plein ascension, la chute quand la maturité vient enfin, quand on commence seulement élaborer notre façon de voir les choses, pas la plus juste sans doute mais la plus sincère certainement. C’est étrange mais parfois en t’écoutant argumenter j’ai une impression troublante de m’entendre moi-même. C’est peut-être ces longues discussions qu’on a toujours eues, ces projets qu’on n’a jamais concrétisés, cet humour empreint d’un réalisme triste que l’on ne partage pas toujours avec les autres et puis je l’avoue notre orgueil, notre fierté dans la transgression, notre refus de nous laisser aller aux émotions primaires, à la facilité des bons sentiments, notre refus des étiquettes sociales et culturelles admises par le plus grand nombre. Tu as aimé avec moi Godard, tu as été ému jusqu’aux larmes avec moi en regardant « le marchant des quatre saisons » de Fassbinder entrain de se prendre une cuite pour effacer son mal être, j’ai aimé avec toi Tarkovsky et Kafka, ce maître de la littérature qui nous est si proche, qui a dit à notre place il y a plus d’un siècle ce que nous ressentions et que nous ne pouvions pas exprimer faute d’effort et de génie. On a eu nos plus grands fous rires en regardant « Le fantôme de la liberté », oubliant la profondeur du film se focalisant sur les détails qui font la force de Bunuel, son Christ sympathique, ses prêtres joyeux jouant aux cartes, son évêque jardinier.
J’ai découvert la bande Dessinée, j’ai renoncé à mes préjugés, j’ai découvert Laure et les insultes tendres que je n’accepte de personnes d’autres, j’ai parcouru avec toi l’autre vie celles de ses morts qui ont laissé quelque chose derrière eux, un livre, un tableau, un film, une musique, une émotion vraie celle-ci, une émotion pure non altérée par le formatage des grosses productions qui offrent aux gens ce qu’ils veulent entendre, ce qu’ils veulent voir, qui créent une réalité virtuelle sans fondements, lorsque la vie est toute autre dans ces joies et son ennui.
On s’est posé des questions, jamais trouvé de réponses, pas encore en tout cas, il nous reste du temps, ce temps qui nous permettra de tuer la paresse intellectuelle, sans doute notre plus grand défaut.
7 mars, 10 mars, 15 mars, 3 amis une même année 1975, l’année de l’abandon, l’année que l’on exècre mais qui nous subjugue, l’année des transformations, l’année de la révolution rétrograde, l’année du passage à l’acte, l’année où ma mère a eu peur pour la première fois et toujours cette même question, comment tout bascule? Par notre naissance on a été l’otage d’un conflit, on ne l’a pas adopté par fatalité ni pour une cause, ce mot qui me donne la chair de poule. On l’a adopté parce qu’il nous rappelle notre enfance, nos jeux, la souffrance de nos parents. J’ai voulu en savoir plus, toi aussi, en amoureux du passé que nous sommes, le passé pour nous est la seule réalité, il est ce je suis maintenant, il m’a forgé, il m’a donné une identité, il a créé les personnes que j’aime et ceux qui me répugnent. On a lu Samir Kassir, on a été passionné par son livre sur le conflit, on en a discuté et il est mort quelques mois plus tard. C’est là je crois qu’on a commencé à comprendre, sa mort résumait en une explosion tout le paradoxe du Liban, Le Liban du meurtre et le Liban de l’intelligence, le Liban de Sabra et Chatillah et le Liban de la Nahda, le Liban mort et le Liban vivant.
Aujourd’hui on a 31 ans on a compris mais on n’a encore rien fait, on a critiqué mais on n’a pas agi, penses-tu qu’il est encore temps ?

Friday, August 25, 2006

Le Liban humain

Au Liban, on n’évoque plus que l’unité nationale, comme si ce n’était pas chose naturelle que d’être soudé face au malheur quelle qu’en soit ses origines.
En réalité dans les discours des politiques « unité nationale » est une formule passe partout, dernier opus de la langue de bois version Libanaise. Je l’ai constaté pendant la guerre, l’unité effective était la chaîne de solidarité entre des hommes de culture différente sans doute, mais partageant une même terre donc une même identité. Le sud sous les bombes, le Liban était démembré, désarticulé, sans repère comme un corps malade sous le regard condescendent du monde.
Au début du conflit, lorsque Israël mit en place l’embargo j’ai pensé à un film de Luis Bunuel « l’ange exterminateur ». Un groupe de personnes nantis dînent allégrement en ville dans une maison somptueuse, et puis en fin de soirée sans véritable raison, ils semblent incapables de franchir la porte pour rentrer chez eux. Le film, une satire de la société bourgeoise mexicaine est aussi une étude de la psychologie de ces personnes honorables en apparence, pris au piège comme des rats. Unis face au destin tragique qui les empêche de se libérer des chaînes imaginaires imposées par le cinéaste, ils deviennent au fil des heures agressifs comme des bêtes en cage, chacun veut imposer ses lois, ses désirs, son pouvoir sur le reste du groupe. Ils dévoilent ainsi leur vraie nature, mélange d’hypocrisie et de lâcheté.
Le Liban a été dans une situation similaire pendant 33 jours, coupé du monde sous pression militaire et psychologique. Mais si nos politiques se sont souvent comportés un peu comme les invités de « L’ange exterminateur » dans une course voilée au pouvoir, la majorité de la population a fait preuve instinctivement d’humanité. Il ne s’agit pas d’unité nationale mais de la grandeur d’âme d’un autre Liban, le Liban tolérant, le Liban de la compassion.
Ce Liban là n’est pas nationaliste, ni patriotique…juste humain.

Wednesday, August 23, 2006

Penser contre soi même

Les journées commencent affreusement à se ressembler à Beyrouth, une pénible monotonie s’installe comme dans les pires moments des conflits chroniques des années 80.
Après le choc de la guerre inattendue, vécue presque comme une catastrophe naturelle ou la colère d’un Dieu, après l’écœurement face à la brutalité de la mort, après les péripéties médiatiques des batailles du sud, tout s’est absurdement figé faute de vainqueur ou faute d’énergie. Voici venu le temps de l’incertitude, d’aucuns annonçaient dès les premiers jours du conflit que le cataclysme préparait la solution finale qui donnerait enfin au Liban la stabilité espérée au lieu du statu quo des 40 dernières années. Mais comment envisager le retour définitif au calme, la construction d’un état fort, en l’absence de volonté politique claire ? Ma conviction est que l’homme peut agir sur l’Histoire, les révolutions des siècles passées en sont une preuve tangible, mais une révolution se doit d’être complétée par des actes positifs. Or au Liban chaque perspective d’avancée est sanctionnée par un retour à la case départ. Les mêmes évènements, les mêmes dirigeants, les mêmes répercussions économiques, les mêmes guerres, voici le cycle infernal d’un pays qui donne l’impression de se complaire dans le statut de sempiternelle victime de la communauté internationale.
Je suis blasé, j’essaye de ne plus croire en la destinée tragique du Liban, le Liban oublie, le Liban survit mais le Liban se fige, il se brise contre le mur de l’indifférence et de la convoitise internationales. Ses enfants meurent ou s’exilent et rien ne semble indiquer intérieurement la solution, le gouvernement malgré des apparences d’unité face à l’adversité, est plus que jamais scindé en une majorité sans idéaux et quelques ministres portes paroles d’une seconde armée qui campe sur des positions intenables.
Les problèmes du passé refont surfaces pour montrer si besoin était que le concept de démocratie consensuelle génère à chaque crise une paralysie totale de l’appareil d’état, un état qui refuse par crainte ou par paresse d’imposer une politique de refonte complète de la société, basée sur un véritable pluralisme au lieu de la fragmentation nationale actuelle.
Pour quelle raison doit-on avoir peur de la laïcité ? Le seul système qui garantie la tolérance, la liberté de culte, la citoyenneté à part entière, l’égalité des chances, le débat constructif. Mais voilà, chaque communauté veut sauvegarder ses acquis comme un butin de guerre et la société des compétences n’a aucune chance face au féodalisme larvé de la classe dirigeante. Il est temps que les jeunes se libèrent de leurs idoles mortes, semi vivantes ou vivantes, il temps de faire passer les idées progressistes.
Mais pour cela il faudra que le Libanais commence à penser contre son instinct clanique primaire et à agir contre soi même.

Monday, August 21, 2006

Les illusions

Lentement la vie reprend ses droits au Liban, demain l’aéroport accueillera de nouveau les voyageurs, les rues désertes il y à peine une semaine se réaniment au fil des jours, l’oisiveté des vacances imposées cède la place au travail et on feint d’oublier les combats.
Bien sûr l’exaltation des premiers jours de juillet, les embouteillages de la saison estivale ne sont pas au rendez-vous. La guerre avec son lot de malheurs et les incertitudes de la trêve occupent les esprits, l’inquiétude se lit sur les visages là où il n’y avait qu’insouciance et légèreté.
Samedi soir Gemmeysé regorge de monde ; ce besoin de sortir, de prendre l’air, de se laisser aller… il est vrai que peu nombreux sont ceux qui ont pu faire la fête pendant les évènements. Dans les bars, les mêmes discussions, les mêmes questions, que penser du Hezbollah, de ses armes ? A chacun sa réponse, à chacun sa conviction et au final un débat qui ne mène nulle part, sinon à la simple constatation qu’on parle pour ne rien dire. Car au Liban et depuis des années la situation échappe au peuple qui semble-t-il ne peut avoir aucune influence sur le cours des évènements. On le sait bien, les décisions sont prises ailleurs, par quelques chefs de guerre reconvertis en philosophe, quelques féodaux devenus progressistes, quelques militaires démocrates (le comble de l’absurde) et une poignée de religieux qu’il ne faut pas contredire au risque de se faire taxer d’intolérance.
Tandis qu’en Israël on demande des comptes aux dirigeants qui se sont engouffrés dans cette hasardeuse aventure, ici il faut faire semblant d’être heureux, heureux d’une victoire étrange qui laisse derrière elle un pays exsangue.
Alors certaines personnes clairvoyantes mais légèrement lâches, laissent passer le mensonge, avec un verre de vin et de petites querelles entre potes on finit par tout gober.
Malheureusement, de nos jours il faut se fendre la gueule pour entretenir nos illusions.

Sunday, August 20, 2006

La guerre sans risques

Olmert menace, ahmadinijad s’entraîne, Assad se déchaîne, Bush parraine, la région toute entière est en ébullition verbale mais c’est le Liban qui trinque. Il faut bien que quelqu’un paye les frais de la guerre froide entre l’axe du bien et l’axe du mal, pourquoi pas nous après tout ?
Lorsque les extrêmes s’affrontent à coup de sentences, un petit pays est piégé, un lopin de terre en méditerranée, le terrain de jeu de la schizophrénie mondiale.
Mais ce jeu est sadique, ce jeu est lâche au point d’utiliser les faibles comme chaire à canon. Son issue est prévisible, la destruction et l’anéantissement. Toute la technologie militaire moderne concentrée en un vase clos, un petit détonateur et tout s’enflamme. Les règles sont simples, marquer le plus de points diplomatiques par pions interposés.
Il fut un temps où le Liban était divisé, un temps où sous des slogans nationalistes primaires des chefs de guerre féodaux s’entre-déchiraient dans un combat de coqs suicidaire, un temps où les pions avaient l’exclusivité de la violence. Cette époque étant révolue, il a fallu attiser le feu en faisant surgir de nouveaux facteurs ; le nucléaire Iranien, la guerre civile en Iraq, la sécurité d’Israël, la bêtise d’un président américain et la sauce a pris comme par enchantement.
Une guerre s’est vite déclarée au Liban avec pour objectifs de replacer les pions sur l’échiquier, de créer un climat de tension propice à la situation internationale actuelle et de permettre le défoulement des grandes puissances militaires en manque évident de combats. Il s’agit en d’autres termes de guerroyer sans prendre de risques, un peu comme dans un jeu vidéo où les coups de l’adversaire ne sont préjudiciables qu’au score final. Tout le monde repart plus ou moins satisfait avec cette sensation voyeuriste d’avoir pris son pied.
Mais il arrive parfois que la machine surchauffée par l’ardeur des compétiteurs explose à leurs faces dans un gigantesque feu d’artifice… Ce jour là les choses changeront, les hommes comprendront peut-être qu’il est dangereux de jouer avec le feu des autres.

Saturday, August 19, 2006

La politique d'Israël

5 jours se sont écoulés depuis la mise en place de l’accord 1701 appelant à l’arrêt des hostilités au Liban, mais déjà plusieurs violations par Israël des clauses de cet accord sont observées.
Que veut l’état Hébreu ? Montrer pour qui l’ignore son mépris total des résolutions de l’ONU ? Créer une atmosphère de tension et d’insécurité pour empêcher la reconstruction voire la reprise économique au Liban ?
Il n’est nul doute que le Hezbollah est dans l’obligation de renoncer à son arsenal militaire conformément à la décision du conseil des ministres dont il fait partie intégrante, mais aussi bien Israël, que la France et les Etats-Unis devraient savoir que le désarmement ne pourra se faire d’un coup de baguette magique.
L’envoi par le gouvernement Libanais des troupes de l’armée nationale à la frontière Sud dés la cessation des hostilités, est un acte de bonne volonté, les déclarations des responsables politiques sur la nécessité de contrôle par l’état de l’ensemble du territoire en est une autre.
Face à de véritables avancées sur le plan intérieur Libanais, Israël affiche comme à son habitude une attitude négative. Olmert et son gouvernement, voyant l’échec de l’action militaire qu’il a entrepris à la suite du rapt des deux soldats de Tsahal, veut marquer des points après l’arrêt du conflit. Le ciel Libanais est quotidiennement survolé par l’aviation, des commandos interviennent ça et là pour montrer à l’opinion publique Israélienne jusque là mécontente des résultats insignifiants de la guerre, que le gouvernement poursuit son opération de neutralisation de la milice Chiite.
Le Liban au stade actuel des choses se doit uniquement de signaler les violations Israéliennes se constituant ainsi en parfaite victime devant la communauté internationale. Il n’est pas envisageable, au risque d’aller aux devants d’une catastrophe, de rallumer le front du Sud. Les habitants de la région ont regagné leurs maisons et s’emploient à les remettre en état, un retour à l’exil sera un véritable coup dur pour l’ensemble des sinistrés.
Espérons que le Hezbollah qui détient encore la carte de la guerre saura en concertation avec les autres forces politiques, prendre les bonnes décisions stratégiques en évitant dans la mesure du possible les débordements inutiles qui mettraient en péril l’armée Libanaise et par voie de conséquence le Liban tout entier.

Friday, August 18, 2006

les meilleurs voisins

Le Liban se défait tant bien que mal des griffes d’Israël, de la sauvagerie de cet état monstre qui a semé l’horreur sur un peuple fragilisé par les années de guerre, affaibli par les dissensions internes, assoiffé de sécurité. Comme traumatisé par les réminiscences du passé, par les blessures qui n’ont pas finit de cicatriser, nous avons vécu cette énième campagne militaire terrés dans les abris pour certains, hypnotisés par les images horribles de la télé pour d’autres.
Le Liban sort meurtri mais le poing levé, il tente encore une fois de se reconstruire. Le sud accueille les blindés d’une armée restée à l’écart pendant 30 ans, une armée fantôme qui n’a jamais pu agir faute de volonté politique, par peur, par sentiment d’inefficacité. Mais aujourd’hui l’espoir est bien là, le pays doit renaître ou se taire à jamais.
L’espoir est là et l’état Syrien se révolte crie au scandale, s’insurge presque contre la paix retrouvée. Un état vieux de quarante balais enraciné dans son système policier archaïque, un état lâche incapable de récupérer les territoires de 67, qui se défoule sur le petit frère brillant mais moribond. Bachar El Assad en digne descendant de la famille baasiste ne voit pas d’un bon œil le silence qui règne à nouveau sur notre terre, alors il attaque ! Les canons Israéliens se taisent c’est lui qui rapplique, il se déchaîne comme un enfant déçu sur les deux tiers des Libanais, égratigne au passage les pays arabes et l’occident qui lui ont volé son feu vert, son jouet, sa petite passion.
Dans un discours de haine, teinté de jalousie, il accuse l’état Libanais de traîtrise, feint d’oublier le Golan sacrifié par amour du pouvoir et se rattache à nos fameuses fermes. Des applaudissements grotesques rythment une diatribe d’une autre époque, c’est ce qu’on appelle la démocratie participative, toute une salle pour un seul homme, une sorte de girafe sans repères ni scrupules, un homme qui n’avale pas la défaite de 2005, le piètre départ de ses troupes du Liban et la débandade de ces sbires. Cet homme est dangereux car son régime est malade, une maladie contagieuse qu’on doit combattre tous unis comme on a combattu avant lui l’état hébreu. Il ne s’agit pas de guerre mais de lutte politique pour se débarrasser de toute influence étrangère. Commençons par les voisins et le reste suivra naturellement.

Thursday, August 17, 2006

le retour

Lundi 14 août 2006, huit heures du matin, la nuit a été longue. Un dernier coup de canon, puis le silence, un silence rêvé par 3 millions de personnes dans un coin du monde, un silence pour une fois synonyme de vie.
Lundi 14 août 2006, des milliers de réfugiés se précipitent sans plus attendre sur les routes du sud, comme un signal de départ ce coup de canon crée des embouteillages monstres. Il faut arriver au plus vite, s’enquérir de la terre délaissée le temps d’une guerre, revoir ceux qui sont restés piégés par la sauvagerie des hommes. Des ponts de fortune sont rapidement édifiés sur les décombres, sur la terre boueuse, sur l’eau des rivières.
Lundi 14 août plus tard dans la journée, le trajet a été long, il fait très chaud, un homme se tient devant un tas de pierres, il vient de découvrir sa maison, ses meubles éparpillés au hasard du souffle, quelques livres feuilletés par la légère brise du soir, une photo témoignant du passé…pas grand-chose. L’homme n’a plus qu’un espoir, l’espoir que ce silence dure, qu’il ne soit pas obliger de reprendre la route avec sa famille. Il se dit qu’il faut tenir, c’est difficile mais il tient bon.
Lundi 14 août 2006, une famille dresse une tente sur le bitume, derrière elle un paysage de désolation, résultat de ces bruits qui ont résonnés dans nos têtes pendant 33 jours. Des gravats partout et des enfants qui jouent à la guerre, qui reprennent vie…Retrouvé enfin l’innocence, mais pour combien de temps ?
Lundi 14 août 2006, il est encore tôt pour songer à l’avenir, le passé est là à chaque coin de rue, sur tous les visages. Mais il faudra y songer avoir la volonté de reprendre les choses en main, rebâtir sur des bases solides, enfoncer les racines au plus profond de la terre. Les sacrifices consentis ne peuvent pas voler en éclat et toute cette farce macabre devra trouver une fin heureuse. Il est temps de prendre les décisions historiques pour enfin défier le mythe de Sisyphe et oublier ce 12 juillet où des hommes, des femmes, des enfants ont pris le chemin de l’exil.

Tuesday, August 15, 2006

l'état de droit

Retrouver sa terre, revoir sa maison… enfin ce qu’il en reste, enterrer les morts ou tout simplement reprendre la vie, voici la laborieuse mission du Liban qui n’en peut plus de renaître de ses cendres, d’accepter le triste sort que lui réserve l’Histoire.
Rien ne sera plus comme avant, avant ce 12 juillet 2006, date tragique du début de la guerre. Une guerre que apparemment personne ne voyait venir, une guerre qui s’est abattu sur nous comme une énorme boule de feu projetant ses éclats sur tout le territoire, une guerre qui a tué ce que nous avions de plus chère et démoli ce que nous avions bâti par la force de la volonté. Nous voici encore une fois acteurs passifs de la destruction du pays, assistant hébétés à la télé le monde parlant de nous, de notre douleur, de notre endurance.
Aujourd’hui le canon s’est tu, mais que reste-t-il au bout du compte ? Les décors dessinés anarchiquement par la plume des raids Israéliens, une femme entourant sa fille sous les décombres d’un immeuble, un fils cherchant sa mère à la pelle entre les barres d’acier et des objets inoffensifs qui assassinent sous leurs poids.
Mais visiblement les dirigeants ne semblent toujours rien comprendre à tous ces événements, les mêmes discours se répètent dans les médias, les mêmes analyses se succèdent, les mêmes chamailleries d’écolier se renouvellent sans qu’aucune voix ne sorte du lot. Rendre ou ne pas rendre les armes telle est la question essentielle du Liban en ce moment. Les « sans –cravates » mal rasés tiennent à leur arsenal et crient victoire, tandis que l’état pleurnicheur essaye de les amadouer pour mieux les entuber. Et enfin une force orange sortie directement des méandres de l’Histoire guerrière, tente par tous le moyens de récupérer le malheur des gens. Plus que jamais désunis les Libanais retombent comme par hasard dans les filets de la grande sœur qui glorifie à coup d’applaudissements programmés les exploits de la résistance. En somme Israël bombarde, la Syrie jubile, la communauté internationale constate et le Liban à travers ses politiques incapables refuse d’avancer, d’enterrer la culture de la mort.
A quand la force nouvelle, laïque et républicaine, indépendante et sereine ? A quand l’état de droit qui refuse les dictats des autres, qu’ils soient Iraniens ultra confessionnels ou Américains ultra puritains ?
Verrai-je ce jour où nous penserons par nous même ?
La route semble longue, tortueuse et la destination lointaine !

Saturday, August 12, 2006

La dignité

La résolution 1701du conseil de sécurité ramène l’espoir aux Libanais, particulièrement au sud meurtri, démoli, à ce vaste champ de ruines vidé de ses habitant, dépouillé de son âme.
Paradoxalement Israël, favorable à priori à cet accord intensifie ses attaques, poursuit son offensive meurtrière et avance lentement vers le fleuve Litani, comme motivé par une soif de victoire qui lui donnerait une certaine crédibilité intérieure. Marquer des points à n’importe quel prix, voilà l’objectif des Israéliens. Sur le terrain quelques 30000 soldats se ruent avec acharnement sur la route du fleuve, affrontant une poignée d’hommes qui n’ont plus rien à perdre.
Quoique en total désaccord avec la politique suicidaire du Hezbollah et de son chef charismatique dont je ne comprends pas les motivations, je ne peux pas m’empêcher d’admirer le courage de ces combattants de l’ombre. Même démunis, encerclés, ils tiennent têtes au monstre haineux qui les pourchasse sur terre et dans les airs.
Je ne peux pas m’empêcher de constater la dignité des réfugiés qui laissent tout derrière eux pour venir s’entasser dans des conditions inacceptables dans les écoles des régions plus sûres. Ils ne bronchent pas, résistent sans se plaindre face au malheur qui les accable.
Je ne peux pas m’empêcher de mépriser une armée spécialiste des crimes de guerre, qui n’hésite pas à tirer sur les plus faibles, sur les convois humanitaires, sur les civiles tuant au passage femmes, enfants et secouristes.
Seul conclusion positive de cette horrible tragédie, l’unité humaine du Libanais, son refus de la souffrance de l’autre. C’est en cela que je me sens respectable, à l’image de mon premier ministre qui même impuissant, même au bord de la crise de nerf, n’a pas ménagé ses efforts pour défendre la terre qui m’a accueilli généreusement il y a maintenant plus de cent ans.
Le temps passe, il ne restera que les grands hommes.

Friday, August 11, 2006

Le jeu

Aux dernières nouvelles, il semble que la guerre commence véritablement maintenant, après 1 mois de tueries. Jusqu’à présent les belligérants s’amusaient à titiller l’adversaire, à analyser les possibilités d’attaque et de défense. En somme, beaucoup de bruits pour rien, toute cette farce n’était qu’une préparation du terrain, une petite mise en jambe, le pire est à venir.
Encore une fois, les civiles sont otages d’un vaste jeu de stratégie, un jeu relayé par des médias particulièrement excités. Les journalistes affluent de tous les coins du monde, avec courage et abnégation ils se précipitent sur la moindre évolution pour en avoir la primeur, pour créer le choc.
Dans cette ambiance très amusante pour certains, les morts pourrissent sous les décombres comme autant de déchets, s’entassent dans les fosses communes et deviennent anonymes.
Pendant ce temps, les israéliens attaquent la fourmilière du Hezbollah en éliminant tout ce qui entrave leur progression. Autrement dit, Ils nettoient le terrain, tuant au passage quelques 1000 civiles. Ils ne font pas dans le détail quoi ! Faut les comprendre, pas trop les chambrer, juste leur tirer un peu les oreilles, comme ces élèves fayots que le maître complice gronde pour calmer le sentiment d’injustice de leurs camarades. Tout est bon de toute façon pour détruire ce que les américains appellent dans leur langage simpliste « l’axe du mal ».
Et moi, en spectateur abruti d’images, assailli par une pléthore d’informations, j’essaye en vain de comprendre. Enfin de compte la seule chose qui me touche c’est les enfants, leur vrais jeux, leur innocence… leur mort.

Thursday, August 10, 2006

Les âmes mortes

Revenons sur terre, sur la terre qui n’en finit pas de brûler, la terre d’exode et de misère, la terre du Liban qui se transforme au fil des jours en immense camp de concentration. Des hordes traînent de village en village, du Liban vers la Syrie, de la Syrie vers un ailleurs, seul refuge d’un peuple en continuel déplacement. Le pays se vide de son sang, comme une hémorragie qu’aucun garrot n’arrive à stopper faute de volonté. Le Liban est une grosse plaie qu’on ne veut pas soigner, qui s’infecte un peu plus chaque jour, sous les coups d’un couteau qui s’acharne.
Et le monde regarde, approuve, s’apitoie, mais n’agit pas. C’est ce qu’on appelle le voyeurisme. Est-ce la vocation du Liban d’exhiber ainsi son malheur, de montrer ses blessures, de jeter à la face de la communauté des hommes ces horribles images d’enfants flasques, sans mouvements, sans vies?
Je veux sortir du tunnel de la mort, fuir la violence de l’ange exterminateur qui voit tout et sanctionne le moindre espoir de vie.
Je veux fuir le regard de ceux qui vivent normalement avec leurs petits soucis, leur routine exécrable. Ma routine c’est la guerre, mon souci la souffrance. Tout se banalise autour de moi, la vie reprend son cours terriblement, le pays s’adapte stoïquement à la douleur.
Bientôt il n’y aura plus de larmes, bientôt il n’y aura plus de pitié, bientôt nous serons seuls désemparés, hagards.Au loin pointe déjà le néant, au loin pointe le navire des immigrants. Je refuse cette déchirure, mais ai-je mon mot à dire ? Les autres décident pour moi et je me sens lâche, incapable d’action. Je culpabilise de vivre sur une terre qui a englouti 1000 personnes pour pas grand-chose. Le monde doit en faire autant, sinon les âmes mortes seront sa mauvaise conscience, le cri des enfants hantera leur sommeil, un jour peut-être…

Wednesday, August 09, 2006

La bonne nouvelle

Malgré les barbares, malgré les sauvages, malgré les tueries, malgré Chiah et son lot de malheur, je veux pour une fois depuis un mois partager un bonheur, apporter une note positive. J’ai reçu ce soir une bonne nouvelle, un être vient de naître, quelque part dans le monde sous des cieux plus cléments, il se trouve que cet être est ma nièce.
Je veux partager ma joie avec les autres enfants, ceux qui jouent sous les bombes, ceux qui rient dans les abris, ceux qui refusent la guerre parce qu’elle est inconcevable.
Je veux l’embrasser, la tenir ou juste la regarder et regarder à travers elle l’humanité qui prend forme paisiblement, sans se presser.
Je veux goûter à l’insouciance, à la quiétude, au premier sourire, à cette main qui se referme sur mon pouce.
Je veux sentir autour de moi le bonheur émané de ces milliers d’enfants qui ne demandent qu’à vivre, qu’à courir avec la petite Sarah tout juste âgée de quelques heures. Alors laissez-moi oublier pour un temps, les discours, les avions, les habits verts, les bruits, laissez-moi somnoler tranquillement au son d’une musique, celle de ma mère, celles de toutes les mères et depuis toujours.
Laissez-moi jouir du lait, de la chaleur et des plaisirs simples.
Je veux oublier le combat, celui des autres, la cause, celle des autres. Je veux oublier les les corrompus, les moralisateurs, les guerriers et penser à Sarah qui se repose après l’effort dans la quiétude, qu’elle soit heureuse, qu’ils soient tous heureux.

Monday, August 07, 2006

la sagesse

J‘ai vu un grand homme parler à la télé. Une fois n’est pas coutume, une personnalité politique, un journaliste, parle en mon nom, au nom de l’ensemble du peuple Libanais, au-delà de l’appartenance religieuse ou communautaire de chacun.
A un moment très difficile de l’Histoire du pays Ghassan Tuéni m’apporte la vie, cet homme qui a vu disparaître tour à tour trois de ses enfants dans des conditions pour le moins tragiques, est une victoire sur l’horrible violence qui s’abat sur nous comme un cauchemar sans espoir de réveil.
La sagesse, la clairvoyance, l’intelligence politique, l’humour et l’humanité qui se dégagent de cet homme marqué par le poids des années est l’antidote de la mort qui règne autour du Liban depuis quatre semaines. C’est sans doute un paradoxe de voir un vieillard porté en lui l’espoir d’un peuple, mais l’avenir politique du Liban se trouve peut-être dans la sagesse de son passé.
Ni chiite, ni sunnite, ni chrétien, ni druze, juste citoyen laïque face à l’adversité d’Israël, de la Syrie et des autres… de leurs guerres sur mon territoire. Et lorsque Tuéni cite le Christ, ce n’est pas par réflexe confessionnel primitif ou par prosélytisme mais simplement par pure humanité, pour expliquer le partage de la souffrance avec les autres, ceux qui ont moins de chance un instant dans leur vie, cet instant tragique qui est l’injustice statistique de la vie. On peut combattre l’injustice même pacifiquement, surtout pacifiquement.

Sunday, August 06, 2006

la terrible équation

Un mort Israélien vaut 10000 morts Libanais, c’est les propos d’un colon juif du nord de l’état Hébreux interrogé sur France 2. Si je suis ce raisonnement à la lettre 300 morts chez nos voisins et le Liban devrait être complètement effacé de la carte.
Quoique étant totalement contre les frappes du Hezbollah sur les populations civiles, qui ne sont pas un moyen de défense efficaces mais juste une manière archaïque de créer un équilibre de la terreur, je suis choqué par l’équation de ce colon.
Comment un média étranger peut diffuser un tel discours ? Comment un descendant de l’holocauste, un rescapé de la barbarie calculatrice a le culot de vouloir éliminer tout un peuple ?
Les manifestations pacifistes à Tel Aviv me laissent pourtant espérer que cette idéologie fascisante, ne reflète le sentiment que d’une minorité de juifs d’Israël.
Moi même descendant d’un génocide, le premier du xx ème siècle quoiqu’en disent les négationnistes, je ne peux plus concevoir un instant que l’humanité n’a pas encore assimilé les leçons de l’Histoire.
L’Histoire ne se répète pas, elle évolue, les sociétés changent, mais on refuse encore dans cette région de rattraper le train du changement pour atteindre enfin l’âge de raison. A la moindre tentative d’évolution le Liban est assailli de toute part. Amérique, Iran, Israël, Syrie, Russie… Chacun y va de son pouvoir pour détruire cette petite étincelle d’espoir qu’on s’évertue à créer.
Tellement d’enjeux économiques et cette vision manichéenne simplificatrice du monde, que l’enfant du sud passe en dernier plan, c’est semble-t-il une erreur de la guerre presque une nécessité pour amorcer le processus de démocratisation dont on ne voit pas les issues, un dommage collatéral. On visite le Patriarche et quelques dignitaires de la scène politique pour présenter ses condoléances et le tour est joué, l’affaire classée. Mais cet enfant, aucun processus ne le ramènera à sa mère, ce n’est pas un martyre, c’est juste le souffre douleur des combattants de la cause… je ne sais même plus laquelle.

Sandra, merci pour la traduction fidèle de mes textes.

Friday, August 04, 2006

Torino pendant la guerre

Torino, bastion de la résistance, vendredi soir en plein août, c’est l’un des rares pubs ouverts depuis le début de la sale guerre. Andreas en DJ, Hani et Mike derrière le bar et nous sur la même table. Rien n’a changé pourtant tout est différent.
Bizarrement il n’y a pas de journaliste aujourd’hui, ils sont tous aux fronts ces fous. Je compte au moins 20 mecs pour 3 filles, elles ont toutes déserté le quartier ou quoi? L’ambiance est sordide, glauque mais c’est bien qu’il soit encore ouvert dans cette nuit noire, c’est peut être le germe possible d’une vie dans la capitale.
Des gens se font tuer ailleurs, à quelques kilomètres, dans ces régions que Dieu a abandonnées à la folie de la guerre. Je culpabilise mais je me dis qu’il ne faut pas changer ses habitudes. De toute façon voir Amine Gemayel nous donner des leçons de « real politic » avec sa bouche en cul de poule, ses cheveux qui touchent aux sourcils et son costard à 1000 dollars, c’est franchement pas gai.
Et puis la musique a ceci de bien qu’elle fait oublier le temps d’un verre, le bruit menaçant des machines israéliennes qui nous épient nuit et jour. Je devient paranoïaque je crois… on est tous paranoïaque…c’est les vertus de la guerre je suppose.
Allez je termine mon verre et je me casse en espérant que le Torino sera toujours ouvert demain.

Thursday, August 03, 2006

la tristesse durera toujours

Le Liban en attente, le Liban en écoute, toute la journée des infos, des analyses des reportages, des flashs spéciaux. Les journalistes sont partout. Au sud, dans la banlieue de Beyrouth, cette sale guerre nous est offerte comme le feuilleton de l’été, tous les ingrédients sont là pour alimenter le suspense : l’action sur les terrain, la propagande, les attaques filmées en direct et jusqu’aux menaces naïves des belligérants. J’ai l’impression d’avoir 24 h sur 24 la « la Mort aux trousses » et d’être constamment en attente de quelque chose, un cessez le feu improbable, une intervention du Ché Libanais, un conseil des ministres sans résultat ou une visite de Feltman au patriarche.
La guerre au Liban n’a jamais été aussi bien couverte par les médias, CNN a fait des émules à Beyrouth, même façon de traiter la réalité pour mieux comprendre me dit-on, seconde par seconde. Pourtant je ne pige pas grand-chose à ce qui se passe depuis maintenant 23 jours. Bon, j’ai eu tout de même le privilège d’avoir un cours accéléré sur la géographie du sud jusqu’aux petites collines dont même les habitants ne connaissaient pas le nom, jusqu’aux ponts que pas même les brebis égarées n’empruntent en temps de paix.
Autour des moi, des questionnements, des débats sans débouchés, des amis s’engueulent autour d’un verre et dehors la réalité, les bombes qui font sauter les cadres des fenêtres, des gosses qui rêvent de chats noirs les bouffant tout crus, des malades sans médicaments et un vieillard qui fuit en boitant le bruit horrible de la machine de guerre d’israël.
« La tristesse durera toujours » disait Van Gogh et cette tristesse sur le visage de la mère qui tient son fils mort, on ne sait plus pour quelle cause, aucun média ne pourra me la dépeindre, pourtant la douleur des gens c’est l’essentiel, tout le reste n’est que palabre et beaux discours.

Tuesday, August 01, 2006

Chiens

Je suis un chien, voilà ce que je suis, un animal dans une cage perdue au moyen-orient. Je suis un chien, l’ambassadeur Israëlien aux nations-unis l’a proclamé : « these guys are animals ». J’ai pas compris, naïf j’ai pensé à une figure de style, un discours de politicard, ou alors ce TOC étrange où le malade ne peut pas s’empêcher de dire des grossièretés. Du tout, l’ambassadeur dit ce qu’il pense, il partage avec Olmert et Peretz cette qualité, la franchise.
Ils l’ont prouvé, Cana et les gosses statufiés, Yaroun et les bus bombardés. « Casse-toi, tu as 10 minutes », me casser comment et pour aller où ? Mourir dans un autre village, mourir entouré ?
Au Torino j’ai pensé avec Mazen à ce pauvre vieux infirme qui refuse de quitter sa terre, je sais qu’il est là où j’aurais pas aimé être, il est là pour défendre la terre qu’il cultive, ce lopin que mes ancêtres ont laissé derrière eux, cette région qu’ils n’arrêterons pas de pleurer même dispersés, même séparés.
Cet homme là est mon authenticité, mes origines.
Je suis un chien, mais les chiens on ne les tue pas comme ça… Je suis un chien, je suis fier de l’être.

Marionnettes

Le pays est à feu et à sang, le sud n’en finit plus de compter ses morts, j’ai l’impression de vivre un « bad trip » psychédélique et mes dirigeants mi-ploucs, mi-classes passent à la télé. Vas-y que je prenne mon air triste de chien battu, vas-y que je te parle d’économie, de finances, de politique régionale d’axe syro-américano-israëlo-chinois et puis surtout de résistance. Les sans-cravattes me donnent des leçons de bonne conduite à longueur de journée, tout ça pour me dire : « ferme ta gueule et matte la télé ».
Quel pied d’écouter Marcel Ghanem avec ses airs de tapette coincée, poser ses questions débiles à Raghida Dergham (elle est belle sa coiffure).
Quel pied de zapper sans plus attendre sur Zaven et son ordinateur et ses sites pornos et de finir en beauté sur Haidar assistant à un massacre en direct, haletant comme un chien, pendant que ma « Diamant » le harcèle de questions sans aucun intérêt.
C’est bon, ils m’ont eu c’est la starac version guerre ou alors « surprise surprise », elle est où la caméra ? Bah, elle est partout, tout le monde est filmé, même les cadavres, sous tous les angles, face, profil, jambes, mains, tout doit y passer, rien ne doit échapper à mon regard de voyeur passif.
Même pas les jérémiades du président de la principauté, son teint « maître-nageur » du dimanche, ses complets satinés, ses p’tits bisous aux soldats… il a son avis sur tout, le bougre et modeste avec ça, veut pas que je le remercie. Normal, c’est son boulot de refaire le monde tous les jours avec le trio de tête, j’ai nommé : Whahab, Ferzli et Rahmé sans oublier de temps en temps le grand analyste politique Roger Eddé, d’où il sort lui ?
Heureusement il y a mon premier ministre et sa bande de couillon à cravattes, on sait plus de quel côté sa bouche se tord… ça dépend des événement je crois, le pauvre pris entre les discours émouvants du Sayed et de sa ribambelle de martyrs et les bombes de 20 tonnes (juste une question, comment ils font pour les quantifier ?) d’olmert directement sorti des films américains de serie B des années cinquantes. Mon premier ministre ne sait plus où donner de la tête, alors faute de mieux il enlace Douste-Blazy, s’émerveille devant son accent toulousain, il embrasse Dr Rice, il y met même la langue le couillu et se délecte des poèmes de De Villeppin.
Finalemen je m’endors sur mon canapé, je n’ai rien foutu de la journée, j’ai regardé, j’ai écouté, je suis exténué, je ne rêve même pas, le cauchemar recommencera demain… les temps son difficiles aurait dit mon pote Mazen.

À la p’tite Christina. Chais pas si je t’ai fait rire, pas facile par les temps qui courent

Sunday, July 30, 2006

le malheur de Cana

La mariée était en noir ce matin à Cana. Sa robe blanche tâchée de sang traînait quelque part entre les corps d’enfant et les mères suppliantes. Elles supplient, on ne sait plus qui, on ne sait plus quoi. Sur cette terre biblique rongée par le malheur des innocents, j’ai encore pensé à cette petite fille. Ce 30 Juillet 2006, elle avait 1 jour et toute la vie devant elle. Mais ce 30 juillet, un avion, un pilote, un viseur, une boule de feu apocalyptique en ont décidé autrement, il fallait qu’elle fût une fois de plus la victime de noces rouges.
Transformer la laideur en beauté, la pauvreté en richesse, l’eau en vin, le malheur en joie…voilà ce que j’ai compris du miracle des noces de Cana. Toi fils de l’homme, as-tu vu ces membres déchiquetés sur l’un des lieux sacrés que compte ce monde. Si tu es là écoute cette prière et prends les enfants de ces femmes éplorées en ton sein, que l’injustice ne soit pas totale, que la cruauté ait une fin.
Je regarde ces morts, mais ma réaction ne sera jamais à la hauteur de l’effroi de cette petite prise entre le bitume et le béton, seule devant la mort, victime de la froideur militaire, victime de la technologie assassine de leurs bombes.
Ces gens étaient pauvres, ces gens étaient démunis, ces gens ne pouvaient pas fuir, ils se sont réfugiés là où il n’auraient pas du être, faut-il les blâmer, faut-il les punir ? Pas un ferry, un peu d’essence aurait suffit à les transporter, un bus, un camion, n’importe quoi. Mais non ! Ce n’importe quoi n’existe même pas pour eux, ils sont pauvres qu’ils en crèvent, ils sont pauvres coupons leurs les ponts, ils sont pauvres bombardons tous ceux d’entre eux qui osent bouger face à l’adversité, face à l’horreur. Les pilotes ont envoyé des tracts, en arabe on remercie leur bonté, mais mauvais calcul, cette petite ne savait pas lire et pour cause ; elle avait un jour, c’est beau une enfant qui a 1 jour, mais c’est beau quand c’est vivant et ça vos bombes douées d’intelligence ne sont pas près de le comprendre.

Marc kaloustian
je suis un juif musulman, je suis chrétien, je ne suis rien. Je suis un homme avec mes peurs, ma lâcheté, ma mauvaise conscience, mon orgueil. je vois cette petite en lambeau, un homme la porte comme un trophé, je pense à ma fille, celle que je n'ai pas eu. Elle joue, une bicyclette que je lui ai offert, elle rie, elle court. cette petite c'est ma fille, sa robe est tâchée de sang, le sang que je n'ai pas versé, mais que j'ai accepté de voir. Une charge et tout part en fumée, la fumée épaisse des jours malheureux. Elle suffoque et je bois, je bois à la santé de ceux qui souffrent, cette souffrance que je fuis de toute mes forces. Cette petite a vécu toute la souffrance que je n'ai pas osée affronter, elle l'a vécu et ne vivra plus jamais. Qu'elle repose en paix au fond de cette terre de sang, le sang de mes ancêtres...